Depuis quelques semaines, l’actualité relate l’ampleur de l’épidémie de peste à Madagascar. Les médias parlent à juste titre d’inquiétude, de victimes, de l’OMS, de mesures nécessaires… Bien malheureusement, cela dépeint un des visages de l’épidémie.
Qu’en est-il de la réalité de l’épidémie dans le quotidien des malgaches ? Quelles conséquences pour l’organisation de votre voyage à Madagascar ?
Nous avons interrogé le docteur Adida, spécialiste des maladies exotiques, qui conseille les voyageurs de la communauté bynativ dans les préparatifs de leur voyage. Mais aussi Tahiry, conseillère locale de notre agence à Madagascar et Harinaina, malgache vivant à Antananarivo.
bynativ : Quel risque représente l’épidémie pour les voyageurs ?
Docteur Adida : Le nombre de victimes dû à la peste pulmonaire continue de croître. Cependant, le risque est très restreint pour les voyageurs, surtout si les précautions d’hygiène sont appliquées et si l’apparition éventuelle de symptômes est prise au sérieux. En effet, dans l’imaginaire collectif, la peste reste une maladie effrayante associée à des références médiévales.
bynativ : Quelles sont les précautions à prendre en voyage ?
Docteur Adida : Bien sûr, quelques précautions sont à prendre pour tout voyage à Madagascar :
– opter pour une bonne protection contre les piqûres de puces, et l’appliquer rigoureusement (de même que pour les moustiques porteurs de paludisme, chikungunya ou dengue)
– éviter les lieux fermés (taxis-brousse, vols intérieurs) et les lieux bondés de monde serait plus raisonnable.
– être vigilant à l’apparition de tout symptôme tel que l’apparition de bubons (ganglions volumineux). La prise d’antibiotique de manière préventive n’est pas utile mais la consultation est impérative une fois les symptômes présents. Alors, la peste « bubonique » est en principe vite guérie sous antibiothérapie. C’est en cas d’absence de traitement qu’elle peut évoluer vers la peste pulmonaire, beaucoup plus grave.
bynativ : Comment votre quotidien est impacté par l’épidémie ?
Tahiry : Personnellement, je ne connais et n’ai jamais connu quelqu’un de mon entourage atteint par cette maladie. Je suis les préconisations basiques mises en avant par les organismes comme l’OMS, à savoir : assainir les milieux d’habitation, éviter les rassemblements et les endroits sans aération, se protéger contre les piqûres de puces, se laver régulièrement les mains à l’eau savonneuse…
bynativ : Quelles actions sont mises en place pour les voyageurs ?
Tahiry : Il faut savoir que les voyageurs qui sont déjà sur place n’ont pas d’inquiétude par rapport à cette maladie : ils sont rassurés que nous prenions les dispositions nécessaires. Ceux qui s’apprêtent à venir sont les plus inquiets car ils ont pris connaissance des différentes informations relatées par les médias. Ainsi, nous sommes là pour les renseigner, les rassurer, leur dire et leur expliquer la situation sans la minimiser ni la dramatiser.
Pour ce qui est du voyage en lui-même, toutes les activités dans des zones avec de gros rassemblements de foule (marchés, certains quartiers) sont suspendues, spécialement à Antananarivo. Si une quelconque inquiétude persiste de la part des voyageurs, nous pouvons changer les lieux d’hébergement ou de restauration pour d’autres plus ‘rassurants’. Toutes les voitures sont systématiquement désinfectées avant et après chaque circuit. Des cache-bouche et du gel hydroalcoolique sont mis à la disposition des clients dans chaque véhicule.
Enfin, les guides et accompagnateurs ont été spécialement briefés pour avoir une vigilance de tous les instants.
bynativ : Comment vivez-vous l’épidémie au quotidien ?
Harinaina : J’ai commencé par me munir de masques chirurgicaux, comme conseillé par le Ministère de la Santé, l’OMS et l’Institut Pasteur. Je ne le porte que dans les cas où je dois me rendre dans des lieux à « risques », c’est à dire des lieux où il y a beaucoup de monde. J’évite les lieux où il y a des regroupements et les bas-quartiers. Je me désinfecte les mains à l’alcool très souvent quand je suis hors de chez moi et j’évite les personnes qui présentent des symptômes de grippe ou autre…
Malheureusement, j’ai des amis en quarantaine depuis lundi. Ils sont encore dans la période d’incubation. Ils ont été en « relation » via leur travail avec une personne déclarée pestiférée et sous traitement actuellement…
bynativ : Selon vous, quel est le contexte qui explique l’apparition de l’épidémie ?
Harinaina : Il faut savoir que la peste apparaît chaque année à Madagascar à la fin de la saison sèche. Elle est le résultat de mauvaises conditions sanitaires, d’une insuffisance des services de santé et d’un manque d’informations de prévention données au grand public.
Certaines parties de la ville n’ont pas été nettoyées depuis un bon moment déjà ! Le 1er cas a été signalé le 28 Août et le Ministre de la Santé n’a réagi que le 11 Septembre. Aucun discours officiel n’est fait régulièrement en ce qui concerne la situation à ce jour. Avant l’annonce de l’épidémie, on voyait les ordures s’accumuler dans certaines rues de la capitale …. A l’heure actuelle, de gros efforts ont été ressentis pour le nettoyage, la dératisation et la désinfection de tout endroit public et privé.