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L’Ethiopie, Bob Marley & le reggae

Temps de lecture : 7 minutes

Vert, Jaune Rouge. Ces couleurs vous font penser à quelque chose ? Elles sont en effet les couleurs du drapeau de l’Ethiopie … mais également la couleur de la musique reggae ! Et si ces deux éléments étaient en fait reliés ? Et si l’Ethiopie et la Jamaïque avaient plus de points communs qu’il n’y paraît ? Quel lien Bob Marley, le pape du reggae, entretenait avec l’Ethiopie ? Et d’où vient le nom « rasta » ? Voici autant de questions que nous allons tenter d’élucider à travers cet article !

La prophétie de Marcus Garvey et l’indépendance de l’Afrique

Le reggae est né en Jamaïque, une petite île située au sud de Cuba. Kingston, la capitale, a été la première à entendre pour la première fois les notes de cette nouvelle musique fredonnée par Bob Marley et ses Wailers. Ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir, celui qui deviendra une légende, ne s’est jamais réellement senti à sa place et s’est toujours préoccupé de cette confrontation entre les blancs et les noirs. Il se servait de sa musique, d’un implacable pacifisme, comme d’une arme dans le but de rassembler le peuple Jamaïcain, d’abord, le reste du monde, ensuite.

Cette question de la place des noirs dans une société blanche avait déjà été soulevée en Jamaïque par un certain Marcus Garvey. Né en 1887 à Saint Ann’s Bay, dans le nord de l’île, Garvey est un militant noir dont le cœur du message se porte sur le panafricanisme. A la fin du XIXème siècle et au début du XXème, l’Afrique tout entière est colonisée. Marcus Garvey a travers des conférences et des écrits, soutient et encourage l’Afrique à se soulever et à se battre pour sa propre indépendance. Il lance son journal « The Negro World » dans lequel il présente sa théorie de « Repatriation » ou de « Back to Africa », selon laquelle les Noirs retourneront un jour à leur terre promise où le Roi des rois les accueillera. Dans ses discours, Garvey fait très souvent référence à « l’Ethiopie » qui, selon la bible, signifie en grec « le pays des Noirs ». A cette époque également, l’Ethiopie est le seul pays africain à ne jamais avoir été colonisé et à être dirigé par un empereur noir : Hailé Sélassié 1er.

Hailé Selassié, le Messie des rastas

La tradition éthiopienne veut que lorsqu’un roi accède au trône, il doit choisir un nouveau nom, symbole de son règne à venir. C’est donc à son couronnement que l’empereur Hailé Sélassié 1er opta pour ce nouveau nom qui signifie en amharique « Puissance de la Trinité ». Né en 1892 à Harar, dans l’est de l’Ethiopie, Tafari Makonnen est voué à un destin exceptionnel. Son père, le Ras Makonnen, est gouverneur du Hararghé, l’une des régions les plus importantes d’Ethiopie. A sa mort, en 1906, Tafari écope à son tour du titre seigneurial « Ras » (l’équivalent de « Duc ») transformant ainsi son nom de naissance en Ras Tafari. Par des jeux de pouvoirs et des règles de successions compliquées dont nous vous faisons grâce ici, Ras Tafari devient Hailé Sélassié 1er en 1930 et règnera sur l’Ethiopie jusqu’en 1974.

Bien que l’Ethiopie fût tout de même colonisée par l’Italie entre 1936 et 1941, elle reste le pays qui a le mieux résisté à la colonisation occidentale et qui a su préserver au maximum sa culture et ses traditions. Le fait également qu’Hailé Selassié soit un noir ayant accédé au trône, fait étrangement écho à la prophétie de Marcus Garvey en Jamaïque qui promet un retour des Noirs à la terre promise et un accueille par le Roi des rois. Grâce à ses discours répétés en faveur de l’indépendance et de la libération des états africains, Hailé Sélassié est considéré par certains comme le « Messie Noir ». Son nom de naissance (Ras Tafari) a ainsi donné le nom du groupe qui s’est développé en Jamaïque dans les années 30 sous l’influence du mouvement « Back to Africa » de Marcus Garvey ; les rastafaris – les rastas.

Bob Marley ; la voix du reggae, la voix des rastas

« Until the philosophy which holds one race superior and another inferior is finally and permanently discredited and abandoned, everywhere is war. And until there are no longer first-class and second-class citizens of any nation, until the colour of a man’s skin is of no more significance than the colour of his eyes. And until the basic human rights are equally guaranteed to all without regard to race, there is war. And until that day, the dream of lasting peace, world citizenship, rule of international morality, will remain but a fleeting illusion to be pursued, but never attained… now everywhere is war. »

Peut-être avez-vous reconnu les paroles de la chanson « War » de Bob Marley. Ces mots ont été prononcés par Hailé Sélassié 1er lors d’un discours tenu devant l’Assemblée Générale des Nations Unis en 1963, en soutient aux pays africains sous emprise occidentale. En relayant le message d’Hailé Sélassié 1er dans ses chansons, en continuant de diffuser la conviction panafricaine de Marcus Garvey et en tentant de rassembler toutes les communautés autour de sa musique, Bob Marley a presque eu un rôle de prophète, selon certains rastas. Rôle d’évangéliste que Bob Marley lui-même revendiquait. Décédé en 1981 à la suite d’un cancer généralisé, à seulement 36 ans, Bob Marley avait échappé miraculeusement à une tentative d’assassinat 4 ans plus tôt. Il n’en faut donc pas plus pour que la communauté rasta le qualifie de véritable martyre.

Shashemene, la ville du reggae en Ethiopie

En 1948, en réponse au soutient sans faille des rastafaris, Hailé Sélassié offrit des Terres dans la Vallée du Grand rift à tous les Noirs qui souhaitent opérer un retour en Afrique, comme le veut la prophétie de Marcus Garvey. Ainsi, la ville de Shashemene, située dans le centre de l’Ethiopie, a vu des centaines de familles rasta s’installer. Aujourd’hui encore, à chaque coin de rue, les couleurs rouge, jaune et vert s’affichent fièrement. Parfois, le drapeau de la Jamaïque flotte dans les airs ou apparaît sur les murs de la ville. Les fenêtres ouvertes laissent souvent s’échapper des airs de reggae et le Grand Bob, dont la présence imprègne les lieux, semble surveiller d’un œil attendri les voyageurs qui viennent s’aventurer jusqu’au centre du pays.

Ici plus qu’ailleurs en Afrique, la communauté Rasta est particulièrement présente. La ville accueille même ces aficionados de reggae comme de véritables pèlerins. S’ils partagent la musique, ils se rassemblent aussi et surtout autour des valeurs et de la philosophie de ce courant musical diffusé, depuis, à travers le monde entier.

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